« Ouvrir davantage l’espace des libertés publiques à tous – Mettre fin à l’instrumentalisation de la Justice »

COMMUNIQUE DE PRESSE

« Ouvrir davantage l’espace des libertés publiques à tous »

« Mettre fin à l’instrumentalisation de la Justice »

Kinshasa, le 02 août 2016 – L’Association congolaise pour l’accès à la Justice (ACAJ) appelle le Gouvernement congolais à ouvrir davantage l’espace d’exercice de libertés publiques à tous les courants politiques et à la société civile (1), et mettre fin à l’instrumentalisation de la justice contre les opposants et les militants de la Société Civile (2).

1. Manifestations, réunions et accès aux médias publics

L’ACAJ a noté que, du 20 au 31 juillet 2016 la majorité présidentielle a organisé 10 marches et réunions publiques à Bandundu, Bunia1, Butembo, Goma, Kalemie, Kananga, Kinshasa, Kolwezi, Matadi et Mbuji-Mayi. L’opposition et la société civile en ont organisé 4 à Bukavu, Kinshasa, Kindu2 et Uvira; et leurs 9 réunions publiques ont été interdites par les autorités locales.

Tout en félicitant la police pour l’encadrement satisfaisant du cortège du Président de l’UDPS, M. Etienne Tshisekedi wa Mulumba, lors de son arrivée le 27 juillet 20163 et du meeting qu’il a présidé le 31 juillet 2016 à Kinshasa; l’ACAJ condamne, cependant, la répression violente de la manifestation pacifique de conducteurs de taxi-motos à Kisangani le 25 juillet 20164, et deux réunions pacifiques des militants de l’UDPS à Lubumbashi les 26 et 27 juillet 20165.

L’ACAJ demande au Gouvernement, d’assurer à tous les partis politiques, de la majorité présidentielle comme de l’opposition, ainsi qu’aux organisations de la Société Civile l’exercice des libertés de manifestation et des réunions pacifiques conformément aux articles 12, 25 et 26 de la Constitution6.

L’ACAJ rappelle que la pratique de déclarer une journée « chômée et payée » et de contraindre les cadres et agents de la fonction publique et des entreprises privées ; des élèves et étudiants; des vendeurs de marchés…à participer à des manifestations ou réunions politiques de la majorité présidentielle est illégale car violant l’article 26 alinéa 2 de la Constitution.

L’ACAJ dénonce le fait que les médias publics n’aient pas couvert et diffusé les manifestations et réunions pacifiques des partis de l’opposition et des organisations de la société civile comme ils l’ont fait pour les partis de la majorité présidentielle. Elle rappelle le Gouvernement qu’au terme de l’article 24 alinéa 3 de la Constitution, les medias audiovisuels et écrits d’Etat son des services publics dont l’accès doit être garanti de manière équitable à tous les courants politiques et sociaux ; et que leur statut doit garantir l’objectivité, l’impartialité et le pluralisme d’opinions dans le traitement et la diffusion de l’information.

L’ACAJ condamne l’installation des «cellules de PPRD» au sein des entreprises et Etablissements publics tels qu’à l’OGEFREM, l’INPP et la Direction Générale des Impôts; et exige leur démantèlement sans condition afin d’assurer leur apolitisme, neutralité et impartialité conformément à l’article 193 de la Constitution7. L’ACAJ craint que l’installation de ces cellules ne s’inscrive dans une stratégie politique et subtile visant l’instauration d’un parti unique en violation de l’article 7 de la Constitution8.

2. Instrumentalisation de la justice : cas de Moïse Katumbi

Depuis qu’il a quitté son poste de Gouverneur de la province du Katanga, s’est retiré du parti PPRD et a annoncé sa candidature à la présidence de la République, M. Moïse Katumbi est devenu la bête noire de la majorité présidentielle. Dès lors, il fait l’objet d’un acharnement judiciaire. Il a dû répondre, au mois de mai dernier, des accusations de recrutement de mercenaires et d’atteinte à la sureté intérieure et extérieure de l’Etat, avant d’être condamné à trois ans de prison ferme par le Tribunal de paix de Lubumbashi pour un «spoliation immobilière».

L’ACAJ a pris connaissance de la lettre de Madame RAMAZANI WAZURI Chantal, présidente du Tribunal de paix de Lubumbashi, adressée au Ministre de la Justice en date du 25 juillet 2016, par laquelle elle dénonce publiquement les pressions et l’extorsion de signature dont elle a été victime de la part de différentes autorités pour condamner Moïse Katumbi à tout prix. Bien avant elle, Madame la Bâtonnière du Barreau de Lubumbashi avait, par sa lettre no BAT/RTK/JKT/AL/067/016 du 18 juillet 2016, dénoncé la tentative du REDOC de l’ANR/Lubumbashi à faire distribuer aux avocats une importante quantité d’exemplaires du journal Le Soft International, numéro spécial 1364, qui a publié en exclusivité plusieurs éléments incriminant M. Moïse Katumbi dans le dossier qui l’oppose à M. Stoupis.

L’ACAJ constate qu’après avoir échoué à obtenir la condamnation de Moîse Katumbi pour le « recrutement de mercenaires », le Gouvernement s’est employé à instrumentaliser la justice, dans le second dossier, pour y parvenir en vue de le disqualifier de la course vers l’élection présidentielle dont il s’est déjà déclaré candidat !

Cela est très inacceptable dans un Etat de Droit.

L’ACAJ condamne toute instrumentalisation de la justice à des fins politiques, car celle-ci doit être mise à l’abri des interférences politiques de manière à lui permettre d’assurer l’équilibre entre les gouvernants et les gouvernés ou entre les partis politiques de la majorité présidentielle et ceux de l’opposition, en cas de différends.

L’ACAJ rappelle qu’à plusieurs occasions, elle a appelé les autorités de la RDC, à tous les niveaux, à respecter et faire respecter l’indépendance du Pouvoir judiciaire, car ce dernier est, au terme de l’article 150 de la Constitution, le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens.

A l’intention particulière du Gouvernement, l’ACAJ a toujours demandé le respect de l’article 151 de la Constitution qui prescrit que le Pouvoir exécutif ne peut pas donner d’injonction au juge dans l’exercice de sa juridiction, ni statuer sur les différends, ni entraver le cours de la justice. Au Président de la Cour constitutionnel et Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, l’ACAJ a plusieurs insisté pour la suppression de la pratique de « visa préalable du chef » qui viole l’indépendance du juge et est à la base notamment de trafic d’influence et corruption.

Eu égard à ce qui précède, l’ACAJ recommande :

  • Au Gouvernement : d’assurer davantage l’ouverture de l’espace d’exercice des libertés publiques à l’opposition et à la Société civile ; de respecter l’indépendance du Pouvoir judiciaire notamment en mettant fin aux interférences et pressions qui sont exercées régulièrement sur les magistrats principalement dans les dossiers qui concernent les membres de l’opposition et de la société civile ;

  • Aux Facilitateur de l’Union Africaine et Groupe d’appui international : d’accentuer des pressions sur le Gouvernement afin d’obtenir la libération de tous les prisonniers politiques et d’opinion, et la cessation des poursuites judiciaires politiques engagées contre Moïse Katumbi, et ce, avant le démarrage du dialogue national ;

  • Au Conseil de Sécurité des Nations Unies, d’envisager déjà des sanctions individuelles et ciblées contre les personnes qui commettent les violations des droits de l’homme ou les encouragent ou entravent le processus démocratique en RDC ;

  • Aux Partis politiques et organisations de la société civile, de poursuivre la lutte pour les droits de l’homme et la démocratie en usant tous les moyens garantis par la Constitution.

Pour toute information :

Me Georges Kapiamba, Président de l’ACAJ

Téléphone : +243 814043641

Email : kapiambag2@gmail.com ou acajasbl@yahoo.fr

1 Le 27 juillet 2016, à Bunia 7 activistes de la société civile René Iragi, David Ngabu, Eugene Baminday et Luc Malembe (Lucha) et Godhi Naguy, Joseph Ubegiu et Youyou Byarufu (Filimbi) furent arrêtés par la police lors de la marche de soutien au dialogue national, organisée par les autorités locales, transférés à l’ANR , au Parquet et remis en liberté sous condition le 30 juillet 2016, pour avoir déployé des calicots aux slogans : «Nous voulons les élections dans le délai constitutionnel, oui au dialogue, oui à l’alternance».

2 A Kindu, le 31 juillet 2016 le commandant de ville de la police a tenté de faire disperser le meeting des partis de l’opposition réunis au siège de l’UNC après avoir interdit leur caravane motorisée.

3 M. Eric Kisuns Nzambalemba, résidant au no 59 de l’avenue Lubua, commune de Kingasani, et militant du parti «Démocratie chrétienne» a rapporté à ACAJ qu’il a été enlevé le 27 juillet 2016 non loin de l’aéroport de Ndjili alors qu’il se trouvait dans le cortège du Président de l’UDPS, par des militaires habillés en uniforme de la GR, détenu, torturé et menacé de port dans une maison avant d’être libéré le 01 août 2016 la nuit. Il a rapporté à l’ACAJ avoir assisté à l’enlèvement de 4 autres personnes, non autrement identifiées, par les mêmes personnes. Sa famille n’a pas de ses nouvelles à ce jour. Aussi, que le 31 juillet 2016, un groupe constitué de vingt de ses militants a été brutalement dispersé par la police sur le boulevard Sendwe et leurs drapeaux confisqués.

4 L’association des motocyclistes de Kisangani avait appelé à manifester contre les tracasseries policières dont ses membres sont généralement victimes. Selon le

5 Les 26 et 27 juillet, la police avait arrêté 14 militants de l’UDPS, déchiré les calicots et affiches et cassé des chaises. Les militants arrêtés furent libérés en raison de 5 le 29 juillet à la police; et 9 le 30 juillet 2016 dont 8 au Parquet de Lubumbashi et un au Ministère provincial de l’intérieur. Ils étaient accusés de «rébellion». C’est le cas notamment de : Badibanga Simon-Pierre, Dianda Kasumbi Jacques, Kabamba Kabongo, Vénance Kitenge, Alain Mwewa, Mule Kasongo, Kabongo Mutombo, Tshimanga Mbaya Luc, Bukasa Sébastien, Lukusa Symphorien, Lukusa Jane, Ngoy Tshiani, Francois Nkashama.

6 Article 12 : «Tous les congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois». Article 25 : la liberté de réunions pacifiques et sans armes est garantie sous réserve du respect de la loi, de l’ordre public et de bonnes mœurs. Article 26 : la liberté de manifestation est garantie. Toute manifestation sur les voies publiques ou en plein air, impose aux organisateurs d’informer par écrit l’autorité administrative compétente. Nul ne peut être contraint à prendre part à une manifestation. La loi en fixe les mesures d’application.

7 Article 193 : L’administration publique est apolitique, neutre et impartiale. Nul ne peut la détourner à des fins personnelles ou partisanes. Elle comprend la fonction publique ainsi que tous les organismes et services assimilés.

8 Article 7 : Nul ne peut instituer, sous quelque forme que ce soit, de parti unique sur tout ou partie du territoire national. L’institution d’un parti unique constitue une infraction imprescriptible de haute trahison punie par la loi.

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